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Et je suis jusqu'à la folie.

Au-delà des apparences.
6 septembre 2004
C'était une adolescente de 16 ans.
Elle n'était pas comme n'importe quelle fille, elle en faisait toujours plus : plus maquillée, habillée plus flash, parlant plus fort, sortant plus le soir, voyant plus de garçons... Elle ne faisait pas les choses à moitié, toujours avec la même bande de copines. Les autres filles les surnommaient les "poufs" ou encore "les pétasses". C'est vrai qu'elles étaient aguicheuses, qu'elles ne parlaient que de trois sujets principaux : mecs, fringues, maquillage. Marie, donc, était de ces filles depuis deux ans, déjà. Quand elle ne sortait plus avec Mathieu, elle le remplaçait dans la semaine par Pierre, et parfois, pour un peu de changement, elle sortait en même temps avec Loïc. Tous ses samedis soirs elle les passait dans les boîtes, à boire, fumer, danser et repartir toujours accompagnée.
Marie habitait dans un appartement, au 4è étage d'un immeuble standard. Elle allait au lycée le plus proche. Cette année-là, à la rentrée, une nouvelle famille s'installa dans l'appartement voisin au sien. Elle apprit rapidement qu'il y avait dans la famille une fille de son âge. Mais elle découvrit aussi qu'elles n'étaient pas du même genre, elle plutôt discrète, vêtue d'un jean et d'un t-shirt en toute circonstance. Une nulle, en résumé. Elle ne lui adressa pas la parole, dans l'ascenseur, le jour de la rentrée. A la sortie du lycée, pourtant, lorsque Marie s'apprêtait à traverser la route pour rentrer chez elle, la fille la rejoignit :
- Salut ! Je suis Sarah. On est voisines, non ?
- Hmmm ? C'est à moi que tu parles... ? demanda Marie, plus gênée que méprisante. Ouais, tu dois être ma nouvelle voisine.
- Je peux rentrer avec toi, alors ?
- Euh... Oui.
Sarah n'était pas timide. Elle s'adaptait à tout environnement, et elle connaissait bien toutes les sortes de gens. Elle savait que les gothiques remuaient des idées noires et aimaient parler de mort, les racailles se la jouaient et faisaient des conneries, les classiques ne voulaient pas aborder tous les sujets mais pouvaient se montrer relativement ouverts et les poufs ne parlaient que de choses superficielles, parlaient à tout le monde et se sentaient supérieures.
C'était cela qui l'avait troublée chez Marie. Elle n'était pas comme ses amies. Lorsqu'elle participait avec enjouement aux conversations, ses yeux se perdaient dans le vague. Dès que possible elle se taisait, ou partait seule. C'était la première fois que Sarah voyait ça, et elle voulait comprendre.
Au cours du trajet,  et de tous ceux qui suivirent, Sarah parlait de tout et Marie ne répondait jamais aux questions la concernant. C'était contraire à la psychologie des gens de son genre, qui ne perdaient jamais l'occasion de parler d'eux-mêmes. Marie se limitait au temps, aux cours et aux habits. Elle ne voulait pas expliquer sa philosophie de la vie, ni ce qu'elle pensait des gens qui n'étaient pas ses amis. Au fur et à mesure de ses conversations avec Sarah, Marie devenait de plus en plus secrète, discrète, introvertie. Mais dès qu'elle se retrouvait avec sa bande, elle était enjouée, bavarde, folle.
De son côté, Sarah tentait de découvrir qui était vraiment Marie. Elle lui tendait pour cela des perches. Un jour elle s'écria :
- Sur ce point, au moins, pas de doute qu'on soit d'accord : la vie est vraiment belle !!
Marie laissa échapper une exclamation, se ressaisit, et ne dit rien.
- Non ? insista Sarah.
- A chacun sa perception de la vie. La mienne n'a que peu d'importance.
- Pourquoi moins qu'une autre ?
- Tu m'as vue ? demanda Marie. Ne crois pas que je ne sais pas ce qu'on dit de nous. "Ces pétasses sont vraiment connes, elles ne pensent à rien, elles sont méprisables." Mais moi, avec mes amies, au moins, je suis tranquille : elles ne me demandront jamais ce que je pense de la vie et ne seront donc pas choquées, elles ne pensent pas que je lise, ne connaissent pas mes goûts... elles me fichent la paix, et c'est de ça dont j'ai besoin.
- Tu ne te sens pas comme elles, alors ?
- Je ne suis comme personne. Je pense tellement... mal que personne ne peut, ne veut me comprendre.
- Ca fait trois mois que j'essaie.
- Comment ?
- J'ai vu tout de suite que tu étais différente, mais je ne savais pas en quoi. Tu sais, pour certaines personnes moi aussi je dois penser de façon choquante. Le principal est que tu t'acceptes comme tu es, et après tu auras des amis qui t'accepteront pour ce que tu es vraiment. POur le moment tu ne crois même pas en toi.
- Tu as peut-être raison, mais... si je ne suis acceptée par personne ?
- La vie, c'est prendre des risques. Et celui-là n'est pas très grand : tu m'as déjà moi... si tu veux ! Et je te garantis que tu es le genre de fille à se faire aimer.
- Tu penses ?... Mais comment faire pour changer maintenant ? C'est un peu tard...
- Il n'est jamais trop tard, Marie. D'abord lache les filles de ton groupe si ce ne sont pas tes amies. Ensuite, habille-toi à ta guise. Ne considère plus les garçons comme des jouets et surtout ose parler de toi, avec parcimonie. Mais garde secret ce qui ne regarde que toi.
- J'adore le style un peu "dark", gothique... je pense un peu comme ça...
- Moi aussi. Je te présenterai des amis.
- Sarah...
- Oui ?
- Comment... te remercier ? Grâce à toi, en une conversation je m'accepte enfin, je deviens moi-même.
- Tu n'as pas à me remercier. Tu ne connais sans doute pas grand-chose à la véritable amitié, mais retiens cela : un véritable ami sera toujours là quand tu auras besoin de lui.
Et, au milieu de la chaussée, Sarah s'arrêta et prit une Marie en pleurs dans ses bras. Elles restèrent longtemps là, enlacées, tandis que les piétons les contournaient en soupirant.
Ecrit par Lissadell, le Lundi 6 Septembre 2004, 19:42 dans la rubrique "Things".





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